En tant que juriste généraliste, j’interviens au Point d’Accès au Droit (PAD) du 18ème arrondissement, quartier de la Goutte d’Or, dans le cadre d’une permanence d’accompagnement des victimes de violences conjugales. Mis en place par Droits d’Urgence, en partenariat avec la Mairie du 18ème arrondissement de Paris, cettepermanence juridique hebdomadaire est consacrée aux victimes orientées par les structures associatives, les institutions publiques et les commissariats.
Depuis l’inauguration de cette permanence, début décembre 2020, j’ai reçu plusieurs personnes victimes de violences conjugales, un public que je ne connaissais pas avant. Dès les premiers rendez-vous, j’ai réalisé à quel point la situation d’une victime touchait à différents domaines du droit. La qualité « généraliste » de mon métier m’est alors apparue essentielle.
Les violences conjugales ont des conséquences lourdes pour une victime. Sa souffrance découle bien sûr des violences physiques et psychologiques subies, mais elle ne s’arrête pas là. Très souvent, la victime se retrouve également confrontée à des problématiques administratives, économiques et juridiques qui aggravent encore sa souffrance ; une maltraitance supplémentaire.
Concrètement, j’accompagne la victime et l’aide à surmonter les embûches qu’elle rencontre dans son parcours pour sortir des violences conjugales : le dépôt de plainte, la recherche d’un hébergement d’urgence, la procédure devant le Juge aux Affaires Familiales afin d’obtenir une ordonnance de protection. Mais c’est surtout dans le cadre des questions liées au titre de séjour pour les victimes de violences conjugales que j’ai mesuré l’ampleur de la maltraitance à l’oeuvre.
En effet, la politique discriminatoire actuellement menée par la préfecture envers un très grand nombre de personnes étrangères accentuent infiniment les difficultés auxquelles doivent faire face certaines victimes de violences conjugales.
Un exemple : au mois de janvier 2021, j’ai reçu Madame X, ressortissante marocaine. Reçue par un agent de la préfecture, Madame X a vu disparaitre d’un seul coup son droit à la naturalisation et son droit au séjour. Lui montrant les ciseaux, l’agent de la préfecture a littéralement coupé la carte de Madame en deux, se limitant par la suite à fournir l’explication suivante : « Votre carte a fait l’objet d’un retrait car vous ne vivez plus avec votre conjoint français ».
Son conjoint avait effectivement prévenu la préfecture du fait que Madame l’avait quitté : une sorte de vengeance, car Madame avait quitté le domicile à la suite des violences subies.
Pourtant, des témoins attestaient de la situation grave : le jour de son départ, le voisinage avait appelé la police et Monsieur avait même été arrêté en flagrant délit. Au moment où Monsieur était jugé coupable des faits allégués devant le tribunal correctionnel, la préfecture décidait du retrait de la carte de résidente de Madame…
Face à la gravité de cette injustice, j’ai décidé d’accompagner Madame à la préfecture pour demander le réexamen de sa situation administrative. La carte de résident dont Madame bénéficiait n’aurait jamais dû être retirée, car son statut de victime de violences conjugales est attesté par un jugement en correctionnel.
C’est ce que nous avons dit aux agents de la préfecture, mais le Préfet ne s’est pas encore prononcé. Cette situation n’est, hélas, pas un cas isolé. Je m’y suis engagé : nous irons jusqu’au tribunal administratif s’il le faut, pour que le droit au séjour de Madame soit rapidement rétabli. Pour que ses droits soient respectés…
Antonio Spampinato est juriste généraliste en Relais d’accès au droit. Il intervient au sein des Espace Solidarité Insertion (ESI) ; les Maisons de la Justice et du Droit ( MJD) ; les Points d’accès au Droit (PAD).
Carnet d’accès au droit est un journal de bord des juristes de l’association.
Ses publications sont régulières et entièrement libres.