Carnet d’accès au droit #3

Lors de ma permanence cet après-midi, j’ai reçu Monsieur O qui a écrit au PAD pour régulariser ses nombreuses amendes. Le point d’accès au droit offre une permanence juridique gratuite et confidentielle à tous les détenus. Je coordonne ce dispositif depuis un an et demi.

Monsieur O arrive en entretien complètement hors de lui. Ses yeux lancent non pas des éclairs mais des missiles. En chemin pour venir au rendez-vous, une surveillante l’aurait rabaissé en l’insultant. Il n’a pas supporté.

Il rumine. Il est tellement blessé par ce qu’il vient de lui arriver qu’il déverse sa colère en continue et n’a aucun mot pour exprimer la raison de sa venue. Incarcéré depuis 6 mois, il dit que « la détention lui monte à la tête et lui fait péter les plombs ». 

L’entretien est impossible, il n’a pas la tête à ça. Je lui propose alors, en lien avec le major présent dans les locaux, d’aller faire un tour à la bibliothèque. On parle de livres, il en choisit, puis je le laisse avec le major pour qu’il puisse faire remonter l’altercation qu’il a subie.

Quelques minutes plus tard, il revient dans le bureau. Monsieur O est plus calme. Il me parle clairement de son problème d’amendes. Il souhaite obtenir des échéanciers car il ne peut pas payer les sommes dues en une seule fois.  Nous rédigeons ensemble les courriers à envoyer aux Trésoreries. Sa situation avance enfin. 

Comme l’ensemble des hommes rencontrés dans le cadre de cette permanence, Monsieur O avait besoin de parler, d’être écouté, considéré.

Julie Guillotjuriste coordinatrice du Point d’Accès au droit de la Maison d’arrêt de La Santé, à Paris

Carnet d’accès au droit est un journal de bord des juristes de l’association.
Ses publications sont régulières et entièrement libres.